Solution
L’appel formé par une partie en son nom personnel alors qu’elle avait comparu en première instance sous sa qualité de liquidateur est recevable si des conclusions, précisant cette qualité, sont intervenues postérieurement.
Impact
Le défaut de mention de cette qualité de liquidateur dans l’acte d’appel, régularisé par conclusions postérieures, constitue une irrégularité de forme qui n’est susceptible d’être sanctionnée que sur la démonstration d’un grief.
Cass. 2e civ., 16 janv. 2025, n° 22-20.374, F-B : JurisData n° 2025-000188
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Vu les articles 114 et 115 du Code de procédure civile :
11. Selon le premier de ces textes, la nullité d’un acte de procédure pour vice de forme ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité.
12. Aux termes du second, la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.
13. Pour déclarer l’appel irrecevable, l’arrêt retient que la déclaration d’appel du 22 février 2021 mentionne M. [L] en son nom personnel et que son intervention volontaire, par conclusions du 24 novembre 2021, en tant que liquidateur du GAEC ne vaut pas régularisation.
14. En statuant ainsi, alors que le défaut de mention de la qualité de liquidateur du GAEC de M. [L] dans l’acte d’appel, régularisé par conclusions postérieures, constitue une irrégularité de forme qui n’est susceptible d’être sanctionnée que sur la démonstration d’un grief, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
NOTE : Sur la brèche
La procédure d’appel consiste parfois en un numéro d’équilibriste. Les parties avance sur un fil, et lorsqu’est en cause la régularité de la procédure et que l’on est poussé par son adversaire vers l’irrecevabilité, mieux vaut tomber du côté de la nullité. Par délibération d’assemblée générale extraordinaire, la dissolution anticipée et la mise en liquidation volontaire d’un GAEC avaient été prononcées. Monsieur [L], ancien dirigeant, avait été nommé liquidateur. Le tribunal paritaire des baux ruraux avait prononcé la résiliation du bail rural, ordonné l’expulsion du GAEC et de tout occupant de son chef, notamment monsieur [L], et condamné à payer diverses sommes au titre des fermages et taxes, outre une indemnité mensuelle d’occupation jusqu’à la date de libération effective des lieux. Par déclaration du 22 février 2021, monsieur [L] interjeta appel de ce jugement, notifia des conclusions le mentionnant es qualités de liquidateur du GAEC, mais la cour d’appel de Caen jugea l’appel, formé à titre personnel, irrecevable.
Le pourvoi formé par monsieur [L], avait été effectué es qualités, la deuxième chambre civile relevant fort justement, la partie adverse contestant la recevabilité du moyen présenté sous la qualité de liquidateur, que les conclusions de monsieur [L] devant la cour d’appel le visaient en sa qualité de liquidateur du GAEC tandis que la cour d’appel avait statué sur la régularisation susceptible de se déduire d’une telle mention. Statué, le terme est généreux, la motivation de la cour étant pour le moins expéditive : « Seul celui qui a été partie en première instance a qualité pour déclarer un appel. En l’espèce, M. [L] a figuré aux débats en première instance en qualité de liquidateur du GAEC. Or, il a régularisé la déclaration d’appel du 22 février 2021 en son nom personnel. Son appel diligenté contre le jugement déféré, auquel il n’était pas partie à titre personnel, doit dès lors être déclaré irrecevable ».
Le litige répondait à la procédure sans représentation obligatoire, mais l’arrêt de la Haute Cour a valeur d’enseignement pour la procédure écrite également. Monsieur [L] était partie en première instance en qualité de liquidateur du GAEC, non à titre personnel, qualité seule visée sur son acte d’appel et l’irrecevabilité de l’acte d’appel était encourue s’il n’était pas partie en première instance. On sait aussi ce qu’il en coûte de l’erreur de mention d’une partie intimée qui s’ apparente parfois à une chute dans le vide puisque l’article 547 du Code de procédure civile dispose qu’« en matière contentieuse, l’appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance. Tous ceux qui ont été parties peuvent être intimés ». Par arrêt remarqué, la deuxième chambre civile avait ainsi estimé que si l’erreur sur la mention d’un intimé pouvait bien sûr résulter d’une nullité de forme dès lors que c’était bien la même partie qui avait comparu en première instance (erreur d’orthographe, sur la forme sociale, les dirigeants légaux…), il n’en était pas de même lorsque l’appelant intime une société qui n’a jamais comparu en première instance : « mais attendu que si l’erreur manifeste dans la désignation de l’intimé, au regard de l’objet du litige tel que déterminé par les prétentions des parties devant les juges du fond, n’est pas de nature à entraîner l’irrecevabilité de l’appel, celui-ci ne peut en revanche être dirigé contre d’autres personnes que celles ayant été parties en première instance sans encourir l’irrecevabilité prévue par l’article 547 du Code de procédure civile ; Et attendu qu’ayant, d’une part, relevé que l’ACERM, qui avait été intimée alors qu’elle n’était pas partie en première instance, avait elle-même une existence juridique propre et son siège social à la même adresse que l’AIACERM et, d’autre part, exactement retenu que l’ACERM, qui avait personnellement comparu en appel, ne pouvait le faire aux lieu et place de l’AIACERM et que les appelants, tenus d’accomplir régulièrement les actes de procédure qui leur incombent pour soumettre à la cour d’appel leurs prétentions, en les dirigeant contre les seules parties concernées par leur litige, ne pouvaient soutenir que déclarer irrecevable l’appel interjeté contre une personne indûment intimée constituerait une atteinte au principe du droit à un procès équitable, c’est à bon droit que la cour d’appel a accueilli…
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PROCÉDURES – N° 03 – MARS 2025 – © LEXISNEXIS SA